samedi 8 janvier 2005

Le "Sud" du Québec : Cuba



Telle une Québécoise, j’ai passé Noël « dans le sud », loin de « la maudite mârde blanche », sous le soleil de Cuba. J’ai ainsi troqué mes bottes pour mes gougounes (tongues en bon Québécois) et j’ai quitté les trente centimètres de neige montréalais pour les vingt kilomètres de sable blanc de Varadero. Rien de mieux pour envoyer des cartes de vœux originales représentant des cocotiers plutôt que des sapins enneigés…

¡ Feliz Navidad !

Après un vol retardé par le dégel des ailes de l’appareil, mon avion atterrit à Cuba et je retire mon manteau d’hiver. Il fait beau et l’aéroport est entouré de palmiers. Une odeur de cigare plane et Cuba vibre sous les rythmes latinos au son des percussions, maracas, guitare, trompette, voix et violoncelle. Cha cha, rhumba, merengue et salsa enveloppent délicieusement l’atmosphère et enivrent autant que les effluves du rhum : « Guantanamera », « Che Guevara »,
« Quisas quisas »…

Destination favorite des Canadiens, Varadero est une ville exclusivement touristique. Dans ce pays sans Coca-Cola ni MacDo, les touristes sont marqués comme du bétail par un bracelet qui leur garantit un laisser-passer à tous les restaurants de leur hôtel grâce à la fameuse formule « all inclusive ». Bordée de grands complexes hôteliers, la côte offre ainsi un confort continental qui tranche terriblement avec la pauvreté du reste de l’île. Les buffets regorgent de nourriture et tout est consommé « à volonté », alors que les Cubains manquent de tout. Golf, marinas, night clubs, piscines, courts de tennis : tout est prévu afin de ne pas trop dépayser l’Occidental en vacances.

La côte est magnifique : mer turquoise, sable blanc, cocotiers le long des plages. Le paysage est paradisiaque. Le soleil brille et l’eau est chaude. Au large, une barrière de corail régale les plongeurs. Cependant à Noël, même s’il fait chaud et que l’eau est tiède, la côte nord est sujette à de nombreux passages nuageux. L’idéal, l’hiver, est donc de réaliser plutôt un parcours à travers l’île. De nombreux voyageurs optent pour ce plan : ils louent une auto et roulent de ville en ville. Certaines agences proposent d’ailleurs des formules de circuits où les hôtels sont réservés à l’avance.


Malheureusement, à Varadero, les Cubains rencontrés se limitent aux employés des hôtels. Pour chacun d’eux, un sourire jovial illumine aussitôt leur visage lorsque nous leur lançons un « ¡Ola! » chaleureux. Même si on est nul en espagnol, nous devons compter parmi les rares qui font un effort pour parler leur langue. Les Cubains ont alors les yeux qui brillent et on se sent en contact, même juste pour un instant. Coincé entre la dictature de Castro et l’embargo américain, le peuple cubain s’avère extrêmement pauvre. N’oubliez pas de glisser dans vos bagages des savons, des bonbons et toutes sortes de petits cadeaux qui feront le bonheur des femmes et des enfants cubains.
¡ Hasta la vista !  

Les hôtels proposent une quantité d’excursions à travers le pays surnommés « Rambo Tour », « Jungle Tour » et autres « Aquaworld ». En hélicoptère, en parachute ascensionnel, en catamaran ou encore dans un truck russe tout terrain, vous sillonnerez les routes cubaines à la vitesse grand V, vous arrêtant dans les villes une vingtaine de minutes avant de repartir à l’aventure. Bref, frustrant, folklo, gogo et surtout très loin de la réalité cubaine et de ses chaleureux habitants. Mieux vaut donc visiter par soi-même et louer une voiture pour circuler car les bus sont rares. Les véhicules en location sont récents et en bon état (contrairement aux autos privées). De plus, aucun problème pour stationner. Le seul souci demeure le manque d’indications sur les routes. Cependant, les Cubains se font un plaisir de vous indiquer le chemin lorsque vous le leur demandez. D’ailleurs, ne pas hésiter à les prendre en stop : à la sortie des villes, nombreux sont en effet les Cubains qui attendent l’arrêt d’une voiture afin de les rapprocher de chez eux. Ils vous indiqueront le chemin à suivre avec plaisir.

Cuba présente un véritable musée roulant à cause de ses vieilles voitures américaines bicolores et chromées qui cohabitent avec quelques Lada dégarnies. La couleur des plaques permet d’identifier les conducteurs : plaques jaunes pour les véhicules privés (généralement de vieilles carcasses bricolées rescapées des années cinquante), plaques bleues pour les véhicules d’état (généralement les mini-bus touristiques et autres taxis officiels), plaques rouges pour les véhicules loués (des modèles Audi, Peugeot et Ford récents et modernes). Sur les routes comme sur l’autoroute circulent de nombreuses bicyclettes et charrettes (économie d’essence oblige). Des Cubains à pied vendent des bananes ou des cigares le long des voies rapides.


Cardenas, Matanzas, Cienfuegos, Trinidad, La Havane… Les villes cubaines regorgent d’histoire. La diversité de leur architecture témoignent des différentes époques qu’elles ont traversées depuis les conquistadores espagnols jusqu’à l’ère communiste en passant par le bordel de l’Amérique du temps du protectorat des États-Unis. Ainsi, de vieilles cathédrales aux tours asymétriques côtoient de magnifiques villas coloniales avec arcades, mosaïques, patios et boiseries qui s’imposent malgré l’usure et la poussière qui les recouvre. D’autres maisons, toutes en bois, rappellent les constructions antillaises.

À La Havane, les buildings du centre-ville, les anciens casinos, bars et boîtes de nuit rappellent le passage des Américains. Enfin, les immeubles en béton armé où s’empilent les familles de travailleurs reproduisent fidèlement le modèle soviétique. Sans compter les cabanes bricolées avec de la tôle et des récupérations de morceaux de bois, style bidonville ou favelas. Les époques et les styles se mélangent allègrement dans un délabrement généralisé.

Digne du climat tropical, la végétation est luxuriante. Les routes traversent des champs de canne à sucre, des plantations de bananiers, d’agrumes et de mangues. Dans la montagne, la forêt vierge grouille de bambous, de palmiers et d’eucalyptus, à travers des champs de tabac, des orchidées, des tulipes d’Afrique et des cactus.

Cuba est un pays magnifique et incroyable qui conserve une étonnante douceur de vivre malgré ses cicatrices. Sa population fait preuve d’une extrême générosité malgré sa misère. Et partout l’empreinte du Che s’inscrit, pas seulement dans le culte du passé, mais également en signe d’espoir : à quand la prochaine révolution ?

¡ Hasta la victoria siempre !
Le jour de noël, je suis allée me recueillir dans la ville désormais dédiée à Che Guevara. À Santa Clara, les monuments sont en effet consacrés au guerillo héroïque et à ses valeureux companeros en mémoire de la bataille historique remportée en 1958 par la Révolution. À la lueur de la flamme du souvenir, un mausolée abrite les restes du Che et de ses compagnons de lutte. À côté, un musée rassemble quelques objets du Comandanto et de ses acolytes : timbales en fer, gourdes, uniformes, casquettes, bérets, médailles, diplômes, lettres, armes, ainsi que de nombreuses photographies et citations. Tout aspire au culte.


Dans les villages, rien ne fait penser à noël : pas de décoration et des rythmes salsas partout. Nous trinquons autour d’une bière au son de « Feliz Navidad » version reggae. Un moment inoubliable, perdu au milieu de nulle part, parmi des gens qui ont terminé de travailler et qui attendent une charrette ou un bus archi bondé sur le bord de la route. Un Noël loin de tout dans une ambiance hors du temps.