100% Québec
En hommage au
répertoire québécois, le spectacle Québec
Issime se produit chaque été depuis 1995 dans la région du Saguenay et
du Lac-Saint-Jean où il ne cesse d'évoluer ajoutant de nouveaux tableaux et de
nouvelles chansons à son programme. Présenté également à Montréal et à Québec,
il conquiert chaque année un public grandissant. Cette production présente
ainsi 32 artistes et 126 chansons pour une durée totale de trois heures de
spectacle. Une invitation originale et intelligente à parcourir l'histoire de
la Belle Province à travers son vaste répertoire musical.
Je suis d'Amérique et de France
Je suis de chômage et d'exil
(…) Je suis une race en péril
(…) Je suis notre libération
Comme des millions de gens fragiles
À des promesses d'élection
(…) Je suis Québec mort ou vivant !
« Le
plus beau des voyages » (Claude Gauthier, 1972)
Le
spectacle débute par un film : un magnifique montage chronologique réalisé
à partir d'images d'archives liées à l'histoire du Québec. On y voit
successivement des danses traditionnelles (rondes populaires, gigue et
rigaudon), un bûcheron au travail, des paysans, un cimetière, des files
d'attente de pauvres gens, un train, un avion, une usine à papier, des journaux
qui s'impriment, des travailleurs en grève, des femmes, une messe, des
religieuses, des livres, des enfants, un couple qui s'embrasse, Charles de
Gaulle prononçant son mythique « Vive le Québec libre ! », des
manifestations pour l'indépendance du Québec, René Lévesque (fondateur du parti
québécois) et son « À la prochaine fois ! » suite au premier
référendum de 1980, des hippies, un feu dans la rue, les Jeux-Olympiques, un
drapeau québécois… Accompagnée de la chanson « Gens du pays » de
Gilles Vigneault, la projection s'avère d'autant plus émouvante : Pour
ces cœurs à qui je souhaite le temps de vivre leurs espoirs.
De
Céline à la Bolduc...
Pis j'en ai un sur le bout de
la langue
Pis qui m'empêche de turluter
Pis ça me fait bégay-gay-gay, bégay-gay-gay, bégay-gayer
« J'ai
un bouton sur le bout de la langue » (La Bolduc, 1932)
Comme
l'indique son sous-titre, le spectacle Québec Issime se construit sur le
répertoire québécois d'hier et d'aujourd'hui. En quinze tableaux rigoureusement
réglés, regroupant chacun une série de chansons autour d'un thème ou d'une
époque, se répondant les unes aux autres de manière très efficace, la troupe
remonte progressivement le fil du temps. Le spectacle débute ainsi avec la plus
internationale des stars québécoises, Céline Dion, et son lancinant « S'il
suffisait d'aimer » pour finir avec les rengaines populaires d'antan. Ce
bouquet de chansons retrace avec magie l'histoire musicale du Québec.
Durant
près de trois heures, trente-deux artistes se lancent dans un véritable
marathon musical et scénographique. À la fois chanteurs et instrumentistes, ils
se succèdent dans un imbroglio prodigieux de chassés croisés, passant du micro
à la guitare, du piano au chœur, d'un costume à un autre (parfois aussi vite
que le célèbre transformiste Arturo Brachetti), brassant les époques, les
styles et les rythmes avec brio. Le plateau lui-même mouvant élève parfois
certains musiciens sur un promontoire et façonne constamment le décor en
fonction des besoins d'un tableau : une rue, une discothèque, un petit bar
miteux, un escalier de cabaret ou encore un salon familial.
Cocktail
québécois
Ne laisse pas passer
La chance d'être aimé
Le cœur devient moins lourd
Quand on est en amour
« Quand
on est en amour » (Patrick Normand, 1984)
Un
peu de « Tu m'aimes-tu ? » de Richard
Desjardins (T'es tellement, tellement, tellement belle !), un zeste
de Roch Voisine (Comment t'aimer si tu t'en vas dans ton pays loin
là-bas ?), un grain de Daniel Lavoie (« Ils s'aiment ») et
on obtient un pot-pourri de chansons d'amour québécoises. Mises en rapport les
unes avec les autres, « Je t'oublierai » d'Isabelle Boulay semble
ainsi répondre avec humour et tendresse au pathétique « Je ne t'aime
plus » de Mario Pelchat.
Toutes
les vedettes de la chanson québécoise défilent sur la scène de Québec Issime :
de Robert Charlebois à Lynda
Lemay (« Le plus fort, c'est mon père » : Comment t'as
fait Maman ?…) en passant par Diane Tell (Si j'étais un homme, je
serai capitaine…) et Diane Dufresne (J'accepte ma folie comme une
maladie), ou encore Garou et Bruno Pelletier, mais aussi le Cirque du
Soleil avec sa féerie, ses clowns et ses acrobates. Avec Québec Issime,
il y en a pour tous les goûts : une séquence disco démarre par le tube
« 1990 » de Jean Leloup et s'achève sur un duo de batterie explosif,
tandis qu'une autre, résolument nostalgique sous la lumière d'un réverbère et
les trémolos d'un orgue limonaire, évoque entre autres Ginette Reno avec
« Ma mère chantait toujours » et « Je ne suis qu'une
chanson » ; Je ris, je pleure à la moindre émotion. Enfin, le
Québec en chansons, c'est également l'empire Plamondon de la comédie musicale
qui a propulsé bon nombre d'artistes québécois sur la scène
internationale : de Starmania en 1978 à Notre-Dame de Paris
vingt ans plus tard.
« Je me souviens... »
C't'aujourd'hui l'jour de l'an,
Gaie lon la mon Joe ma lurette,
C't'aujourd'hui l'jour de l'an,
Y faut changer d'maîtresse
« Mon
Joe » (Paul Piché, 1977)
Dans
les années 70, des tounes tirées du folklore sont remises au goût du
jour : « Mon Joe » de Paul Piché, « La Prison de
Londres » de Louise Forestier ou encore « Je suis cool » de
Gilles Valiquette (Aujourd'hui j'me décide à chanter en joual (…) C'est ben
l'fun). Pour illustrer cette époque, les musiciens habillés en hippies
incarnent des personnages tel Plume Latraverse, la scène est jonchée de packs
de bière et la musique teintée de résonances traditionnelles et de rythmes
endiablés.
Un
tableau, intitulé La Commune, débute avec un groupe d'interprètes réunis autour
d'un feu de camp, un paysage de montagne et de forêt projeté en fond de
scène : On a mis quelqu'un au monde, on devrait peut-être l'écouter
(« Un musicien parmi tant d'autres » d'Harmonium).
Empreint de poésie, notamment par l'évolution de l'éclairage, cette séquence se
boucle sur des silhouettes en contre-jour fredonnant a capella « La
Complainte du phoque en Alaska » de Beau
Dommage :
Cré-moé, cré-moé pas
Quéqu' part en Alaska
Y a un phoque qui s'ennuie en maudit
Sa blonde est partie
Gagner sa vie
Dans un cirque aux États-Unis...
Un
patrimoine en chansons
J'aime les nuits de Montréal
Pour moi ça vaut la place Pigalle.
« Les
Nuits de Montréal » (Jacques Normand, 1961)
L'hiver
occupe une place importante dans les textes des poètes et chansonniers
québécois. Depuis le « Soir d'hiver » d'Émile Nelligan (mis en
musique par Claude Léveillée et interprété par la chanteuse Monique
Leyrac) : Ah ! comme la neige a neigé ! Ma vie est un jardin
de givre ; jusqu'à « Mon pays » chanté par Gilles
Vigneault :
Mon jardin ce n'est pas un jardin, c'est la plaine
Mon chemin ce n'est pas un chemin, c'est la neige
Mon pays ce n'est pas un pays, c'est l'hiver...
Dans
« L'Hymne au printemps » de Félix Leclerc les bourgeons sortent de
la mort et les crapauds chantent la liberté : Comme un vieux
râteau oublié, sous la neige je vais hiverner. Le répertoire de Robert
Charlebois est lui aussi profondément marqué par les particularités propres au
Québec. Le chanteur est à ce titre représenté dans le spectacle avec une
écharpe de l'équipe de hockey de Montréal (Le Canadien) et une fleur de lys
géante en fond de scène : 1,2,3,4,5,6,7, Québec ! (« Les
ailes d'un ange »)
La
survivance d'une langue
Là-bas on peut danser
Sur des rythmes yéyés
On peut rire et chanter
Oui on peut s'amuser yéyéyé
« Les
boîtes à gogo » (Michèle Richard, 1966, adaptation française de At the
scene popularisée par The Dave Clark Five)
Témoin
d'une époque et d'une farouche résistance linguistique, un certain nombre de
chansons québécoises sont des espèces de remake francophones de tubes
anglophones. Dans le répertoire des années 60, on trouve ainsi des
« tounes » du style « Manon, viens danser le ska » ou
encore Carole, j'ai tant besoin de toi, ou bien aussi Quand je t'ai
vu la première fois, Sylvie… Ces adaptations composées sur les airs de
rock'n roll américains bien connus et autres Beatles anglais font désormais
partie intégrante du répertoire québécois : Splish splash, je plonge
dans mon bain (…) Splish splash, elle dansait le ya-ya... En 1970, la
chanson de Renée Claude « C'est le début d'un temps nouveau » est devenue
un hymne que l'on brandit au Québec à diverses occasions, notamment politiques.
Toutes
générations confondues, les Québécois connaissent leur répertoire traditionnel
et contemporain. De nombreux groupes actuels continuent d'ailleurs à diffuser
les airs d'autrefois, dont La Bottine souriante. De plus, de nombreuses
chansons sont reprises par les artistes d'aujourd'hui, perpétuant ainsi la
tradition. Par exemple, « La Manic » chantée par Georges Dor en 1966
est reprise trente ans plus tard par Bruno Pelletier : Si tu savais
comme on s'ennuie à la Manic… Idem pour la chanson de Raymond Lévesque en
1956 « Quand les hommes vivront d'amour » (…il n'y aura plus de
misère) reprise par Fabienne Thibault en 1998 (mais aussi Robert
Charlebois, Gilles Vigneault et Félix Leclerc en 1974, Nicole Croisille en 1980
et Enrico Macias en 1989) ou encore « Frédéric » interprété par
Claude Léveillée en 1963 puis en duo avec Isabelle Boulay en 2000 : Je
me fous du monde entier quand Frédéric me rappelle les amours de nos vingt ans.
Le
fleuron culturel de la fleur de lys
Moé j'viens d'l'Abitibi,
moé j'viens dla Bitt à Tibi,
moé j'viens d'un pays kié de lacs bin rar.
Moé j'viens d'un pays ousss ke l'pouesson mord.
« La
Bittt à Tibi » (Raoul Duguay, 1975)
Le
dernier tableau, La Veillée du bon vieux temps, présente l'intérieur d'une
maison, avec un vieux poêle, une croix accrochée au mur, un fusil suspendu
au-dessus de la porte d'entrée et un panneau « Aimez vos parents »,
une mamie qui tricote sur une chaise à bascule près d'une vieille radio et un
pépé avec sa canne et sa pipe. Les artistes portent des chemises de bûcherons
canadiens à carreaux rouges et noirs ou la ceinture multicolore traditionnelle
du Québec. Harmonica, rythmes à la cuillère et danses en ligne animent toute la
maisonnée d'un caractère de country enjoué. Les artistes entrent tour à tour
dans la salle à manger, se saluent et dansent en ligne et en couple, bras
dessus, bras dessous, c'est la gigue à mon beau frère (…) Et comme on dit,
on est icitte pour s'amuser :
Ah ! C'est la tarte à ma
grand-mère
C'est la tante à mon beau-frère
Ah ! La belle-sœur à mon cousin
Ah ! C'est la fête à mon grand-père
Que y'a, que y'a du monde dans la salle à manger.
« La
parenté » (interprété successivement par Jacques Labrecque en 1957,
Monique Leyrac en 1966 et remis au goût du jour par la Bottine Souriante en
1987)
Ces
refrains tirés du folklore québécois sont repris avec gaieté par le public.
D'ailleurs, les artistes invitent le public à danser sur scène. Au moment du
salut, tous les artistes reviennent sur scène, endossant chacun un costume
différent, brassant ainsi les personnages de Jean Leloup, Diane Tell, Robert
Charlebois, Isabelle Boulay, réunissant les générations et les époques dans une
meute de Québécois soudés pour entonner chacun une phrase puis reprendre en
chœur l'incontournable classique québécois :
J'ai refait le plus beau voyage
De mon enfance à aujourd'hui
(…) J'ai revu mes appartenances,
(…) Et c'est de toutes mes partances
Le plus heureux flash de ma vie !
« Le
plus beau des voyages » (Claude Gauthier, 1972)
Nota bene : Pour les gourmands,
un forfait souper-spectacle...
Liens :
- Le site internet du spectacle QuébecIssime
- Le site de Mary Travers dite "La Bolduc" (1894-1941)
considérée comme la première auteure-compositeure-interprète du Québec : http://www.labolduc.qc.ca
- Le groupe La Bottine souriante : http://www.bottinesouriante.com